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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/275

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XXVIJe NOUVELLE

« Monsieur le Secrétaire, actendez ung peu ; je m’en voys sçavoir à mon mary s’il luy plaist bien que je voise après vous. »

Pensez, mes dames, quelle myne peult faire en pleurant celluy qui en riant estoyt si layd, lequel incontinant descendit, les larmes aux œilz, la priant pour l’amour de Dieu qu’elle ne voulsist rompre par sa parolle l’amitié de luy & de son compagnon. Elle luy respond : « Je suis seure que vous l’aymez tant que vous ne me vouldriez dire chose qu’il ne peust entendre, par quoy je luy vois dire », ce qu’elle feyt, quelque prière ou contraincte qu’il voulsist mettre au devant. Dont il fut aussi honteux en s’enfuyant que le mary fut contant d’entendre l’honneste tromperie dont sa femme avoyt usé, & luy pleut tant la vertu de sa femme qu’il ne tint compte du vice de son compaignon, lequel estoyt assez pugny d’avoir emporté sur luy la honte qu’il vouloit faire en sa maison.


« Il me semble que par ce compte les gens de bien doibvent apprendre à ne retenir chez eulx ceulx desquelz la conscience, le cueur & l’entendement ignorent Dieu, l’honneur & le vray amour. — Encores que vostre compte soyt court, » dist Oisille, « si est il aussi plaisant que j’en ay poinct oy & en l’honneur d’une honneste femme.

— Par Dieu, » dist Simontault, « ce n’est pas grand honneur à une honneste femme de refuser ung si laid homme que vous paingnez ce Secrétaire ; mais, s’il