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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/278

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IIJe JOURNÉE

aussi souvent visiter ce Lieutenant comme bon Serviteur de son Maistre & Maistresse.

Ung jour de feste allant le dit Secrétaire chez le Lieutenant ne trouva ne luy ne sa femme, mais ouy bien Bernard du Ha qui, avecq une vielle ou aultre instrument, apprenoit à danser aux Chamberières de céans les bransles de Gascogne. Quant le Secrétaire le veit, luy voulut faire accroyre qu’il faisoyt le plus mal du monde & que, si la Lieutenande & son mary le sçavoient, ilz seroient très mal contens de luy. Et, après luy avoir bien painct la craincte devant les œilz jusques à se faire prier de n’en parler poinct, luy demanda : « Que me donnerez vous & je n’en parleray poinct ? »

Bernard du Ha, qui n’avoyt pas si grand paour qu’il en faisoit semblant, voyant que le Secrétaire le cuydoit tromper, luy promist de luy bailler ung pasté du meilleur jambon de Pasques qu’il mangea jamais. Le Secrétaire, qui en fut très contant, le pria qu’il peust avoir son pasté le dimanche après disner, ce qu’il luy promist.

Et, asseuré de ceste promesse, s’en alla veoir une Dame de Paris, qu’il desiroit sur toutes choses espouser, & luy dist : « Madamoiselle, je viendray dimanche soupper avecq vous, s’il vous plaist, mais il ne vous fault soulcier que d’avoir bon pain & bon vin, car j’ay si bien trompé ung sot Bayonnois que le demeurant sera à ses despens ; & par