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IIIJe JOURNÉE

« que de parler naïfvement ainsi que le cueur le pense.

— C’est pour en gausser, » respondit Longarine, « & je croy que vous donnez vostre opinion selon vostre condition.

— Je vous diray, » dist Nomerfide, « je voy que les folz, si on ne les tue, vivent plus longuement que les saiges, & n’y entendz que une raison, c’est qu’ilz ne dissimullent point leurs passions. S’ils sont courroucez, ils frappent ; s’ils sont joieux, ilz rient, & ceulx qui cuydent estre saiges dissimulent tant leurs imperfections qu’ils en ont tous les cueurs empoisonnez.

— Et je pense, » dist Geburon, « que vous dictes vérité & que l’hypocrisie, soit envers Dieu, ou envers les hommes ou la Nature, est cause de tous les maulx que nous avons.

— Ce seroyt belle chose, » dist Parlamente, « que nostre cueur fust si remply par foy de Celluy qui est toute vertu & toute joye, que nous le puissions librement monstrer à chacun.

— Ce sera à l’heure, » dist Hircan, « qu’il n’y aura plus de chair sur nos os.

— Si est ce, » dist Oisille, « que l’Esperit de Dieu, qui est plus fort que la Mort, peult mortiffier nostre cueur, sans mutation ne ruyne de corps.

— Ma Dame, » dist Saffredent, « vous parlez d’un don de Dieu qui n’est encores commung aux hommes.

— Il est commung, » dist Oisille, « à ceulx qui ont la foy, mais, pour ce que ceste matière ne se laisseroit entendre à ceulx qui sont charnelz, scachons à qui Simontault donne sa voix.

— Je la donne, » dist Simontault, « à Nomerfide,