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LJe NOUVELLE

— Et voylà, » ce dist Longarine, « les péchez que je voulois dire, car on sçayt bien que aymer l’argent, sinon pour s’en ayder, c’est servir les idolles. »

Parlamente dist que Sainct Pol n’avoyt poinct oblyé les vices des Italiens & de tous ceulx qui cuydent passer & surmonter les aultres en honneur, prudence & rayson humaine, en laquelle ils se fondent si fort qu’ilz ne rendent poinct à Dieu la gloire qu’il luy appartient, par quoy le Tout puissant, jaloux de son honneur, rend plus insensez que les bestes enragées ceulx qui ont cuydé avoir plus de sens que tous les aultres hommes, leur faisant monstrer par œuvres contre Nature qu’ilz sont en sens reprouvez.

Longarine luy rompit la parolle pour dire que c’est le troisiesme péché en quoy ilz sont subjectz.

« Par ma foy, » dist Nomerfide, « je prens grand plaisir à ce propos, car, puisque les esperitz que l’on estime les plus subgectz & grands discoureux ont telle pugnition de devenir plus sotz que les bestes, il fault doncques conclure que ceulx qui sont humbles & bas & de petite portée, comme le myen, sont rempliz de la sapience des Anges.

— Je vous asseure, » dist Oisille, « que je ne suis pas loing de vostre opinion, car nul n’est plus ignorant que celuy qui cuyde sçavoir.

— Je n’ay jamais veu, » dist Geburon, « mocqueur qui ne fût mocqué, trompeur qui ne fût trompé & glorieulx qui ne fût humillyé.

— Vous me faictes souvenir, » dist Simontault, « d’une tromperie que, si elle estoit honneste, je l’eusse voluntiers comptée.

— Or, puisque nous sommes icy pour dire vérité, »