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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/148

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VJe JOURNÉE

Ce Seigneur print une grande amitié en une Dame vefve qui s’appelloyt Madame de Neufchastel, & qui avoyt la réputation d’estre la plus belle que l’on eust peu regarder, &, si le Prince de Belhoste l’aymoit bien, sa femme ne l’aymoit pas moins, mais l’envoyoit souvent quérir pour manger avecq elle, la trouvant si saige & honneste que, en lieu d’estre marrye que son mary l’aymast, se resjouyssoyt de le veoir addresser en si honneste lieu remply d’honneur & de vertu.

Ceste amytié dura longuement, en sorte que en tous les affaires de la dicte Neufchastel le Prince de Belhoste s’employoit comme pour les siens propres, & la Princesse sa femme n’en faisoit pas moins ; mais à cause de sa beaulté plusieurs grands Seigneurs & Gentilz-hommes cherchoient fort sa bonne grace, les ungs pour l’amour seullement, les autres pour l’anneau, car oultre la beaulté elle estoit fort riche.

Entre aultres il y avoit ung jeune Gentilhomme, nommé le Seigneur des Cheriotz, qui la poursuivoyt de si près qu’il ne falloyt d’estre à son habiller & son deshabiller, & tout du long du jour tant qu’il povoyt estre auprès d’elle, ce qui ne pleut pas au Prince de Belhoste pource qu’il luy sembloyt que ung homme de si pauvre lieu & de si mauvaise grace ne méritoyt poinct avoir si