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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/175

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LVJe NOUVELLE

il porta les cinq cens ducatz dont ils avoient convenu ensemble par l’accord du mariage.

Et au soir ne faillyt de retourner souper avecq celle qui le cuydoit estre son mary, & s’entretint si bien en l’amour d’elle & de sa belle-mère qu’ils n’eussent pas voulu avoir change au plus grand Prince du monde.

Ceste vie continua quelque temps ; mais ainsy que la bonté de Dieu a pitié de ceulx qui sont trompez par bonne foy, par sa grace & bonté il advint que ung matin il print grand dévotion à ceste Dame & à sa fille d’aller oyr la messe à Sainct-François, & visiter leur bon Père Confesseur par le moyen duquel elles pensoient estre si bien pourvues l’une de beau-fils & l’autre de mary, &, de fortune ne trouvant ledit Confesseur ne aultre de leur connoissance, furent contantes d’oyr la grande messe qui se commençeoyt, attendant s’il viendroit poinct. Et, ainsy que la jeune femme regardoit ententivement au service divin & au mistère d’icelluy, quant le Prestre se retourna pour dire Dominus vobiscum, ceste jeune mariée fut toute surprinse d’estonnement, car il luy sembla que c’estoit son mary ou pareil de luy ; mais pour cela ne voulut sonner mot, & attendit encores qu’il se retournast encore une aultre foys, où elle l’advisa beaucoup mieulx, ne doubta poinct que ce fust luy, parquoy elle tira sa mère,