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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/184

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VJe JOURNÉE

cruelle main, &, pource que jamais je n’avois eu ny ay eu depuis plus grande privaulté d’elle, j’ay attaché ce gand comme l’emplastre la plus propre que je puis donner à mon cueur, & l’ay aorné de toutes les plus riches bagues que j’avois, combien que les richesses viennent du gand, que je ne donneroys pour le Royaulme d’Angleterre, car je n’ay bien en ce monde que je n’estime tant que le sentir sur mon esthomac.

Le Seigneur de Montmorency, qui eut mieulx aymé la main que le gand d’une Dame, luy loua fort sa grande honnesteté, luy disant qu’il estoyt le plus vray amoureux que jamais il avoyt veu, & digne de meilleur traictement puis que de si peu il faisoit tant de cas, combien que, veu sa grand amour, s’il eut eu mieulx que le gand, peut estre qu’il fut mort de joye, ce qu’il accorda au Seigneur de Montmorency, ne soupsonnant poinct qu’il le dist par mocquerye.


Si tous les humains du monde estoient de telle honnesteté, les dames se y pourroient bien fyer, quant il ne leur en cousteroit que le gand.

— J’ay bien congneu le Seigneur de Montmorency, » dist Geburon, « que je suis seur qu’il n’eût poinct voulu vivre à l’Angloise &, s’il se fût contanté de si peu, il n’eust pas eu les bonnes fortunes qu’il a eues en amour, car la vieille chanson dit :