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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/191

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LVIIJe NOUVELLE

elle, « ung tel, que vous congnoissez autant homme de bien qu’il en soyt poinct & non moins audatieux. Vous sçavez combien de mauvays tours il m’a faict & que, à l’heure que je l’aymois le plus fort, il en a aymé d’aultres, dont j’en ay porté plus d’ennuy que je n’en ay fait de semblant. Or maintenant Dieu m’a donné le moien de m’en venger, c’est que je m’en voys en ma chambre, qui est sur ceste cy ; incontinant, s’il vous plaist y faire le guet, vous le verrez venir après moy, &, quant il aura passé les galleries qu’il vouldra monter le degré, je vous prie vous mectre toutes deux à la fenestre & m’ayder à cryer au larron & vous verrez sa collère. À quoy je croy qu’il n’aura pas mauvaise grace, &, s’il ne me dict des injures tout hault, je m’atends bien qu’il n’en pensera moins en son cueur. »

Ceste conclusion ne se feyt pas sans rire, car il n’y avoit Gentil homme qui menast plus la guerre aux Dames que cestuy là, & estoit tant aymé & estimé d’un chacun que l’on n’eust pour rien voulu tomber au danger de sa mocquerye. Et sembla bien aux Dames qu’elles avoient part à la gloire que une seulle espèroit d’emporter sur le Gentil homme. Par quoy, si tost qu’elles veirent partir celle qui avoyt faict l’entreprinse, commencèrent à regarder la contenance du Gentil homme, qui ne demoura guères sans changer de place &,