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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/193

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LVIIJe NOUVELLE

hors. Mais les Dames ne voulurent recepvoir ceste vérité, dont encores en est la matière en doubte ; mais si ainsy estoyt qu’il eust cru ceste dame, comme il est vraisemblable, veu qu’il estoit tant saige & hardy que de son aage & de son temps a eu peu de pareils & poinct qui le passast, comme le nous a faict veoir sa très hardye & chevaleureuse mort.


« Il me semble qu’il fault que vous confessiez que l’amour des hommes vertueux est telle que par trop croyre de vérité aux Dames sont souvent trompez.

— En bonne foy, » dist Ennasuicte, « j’advoue ceste Dame du tort qu’elle a faict ; car, puisque ung homme est aymé d’une Dame & la laisse pour une aultre, ne s’en peut trop venger.

— Voyre, » dist Parlamente, « si elle en est aymée ; mais il y en a qui ayment des hommes sans estre asseurées de leur amityé &, quant elles congnoissent qu’ilz ayment ailleurs, elles disent qu’ilz sont muables. Par quoy celles qui sont saiges ne sont jamays trompées de ces propos, car elles ne s’arrestent ni croyent à ceulx qui sont véritables afin de ne tomber au danger des menteurs, pource que le vray & le faulx n’ont que ung mesme langaige.

— Si toutes estoient de vostre opinion, » dist Simontault, « les Gentilz hommes pourroient bien mectre leurs oraisons dedans leurs coffres ; mais, que, vous ne voz semblables en sçeussent dire, nous ne croyrons jamais que les femmes soient aussy incrédules comme elles sont belles. Et ceste opinion nous fera vivre aussi