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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/218

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VIJe JOURNÉE

quelle n’est jamais refusée à ceulx qui en foy la requièrent. Ceste opinion fut trouvée d’un chacun très bonne, & arrivèrent à l’église ainsy que l’on commençoyt la Messe du Sainct Esperit, qui sembloit chose venir à leur propos, qui leur feit oyr le service en grand dévotion.

Et après allèrent disner, ramentevans ceste vie apostolicque, en quoy ilz prindrent tel plaisir que quasi leur entreprinse estoyt oblyée, de quoy s’advisa Nomerfide comme la plus jeune, & leur dist :

« Madame Oisille nous a tant boutez en dévotion que nous passons à l’heure accoustumée de nous retirer pour nous préparer à racompter noz Nouvelles. »

Sa parolle fut occasion de faire lever toute la compaignye, &, après avoir bien demeuré en leurs chambres, ne faillirent poinct se trouver au pré comme ilz avoient faict le jour de devant, &, quant ilz furent bien à leur ayse, Madame Oisille dist à Saffredent :

« Encor que je suis asseurée que vous ne direz rien à l’advantaige des femmes, si est ce qu’il fault que je vous advise de dire la Nouvelle que dès hier soir vous aviez preste.

— Je proteste, ma Dame, » respondit Saffredent, « que je n’acquerray poinct l’honneur de mesdisant pour dire vérité, ny ne perdray poinct la grace des dames vertueuses pour racompter ce que les folles ont faict, car j’y ay expérimenté que c’est que d’estre eslongné de leur veue, &, si je l’eusse esté autant de leur bonne grace, je ne fusse pas à ceste heure en vie. »

Et en ce disant tourna les oelz au contraire de celle qui estoit cause de son bien & de son mal ; mais, en