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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/231

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LXJe NOUVELLE

croy que la pauvre créature se chastia plus par la prison & l’opinion de ne plus veoir son Chanoine qu’elle ne feyt pour remonstrance qu’on luy eût sçeu faire.

— Mais, » dist Simontault, « vous avez oblyé la principale cause qui la feyt retourner à son mary ; c’est que le Chanoyne avoyt quatre vingtz ans, & son mary estoyt plus jeune qu’elle. Ainsy gaingna ceste bonne dame en tous ses marchez, mais, si le Chanoyne eût esté jeune, elle ne l’eut poinct voulu habandonner. Les enseignemens des Dames n’y eussent pas eu plus de valleur que les sacremens qu’elle avoyt prins.

— Encores, » ce dist Nomerfide, « me semble qu’elle faisoit bien de ne confesser poinct son péché si aisément, car ceste offense se doibt dire à Dieu humblement & la nyer fort & ferme devant les hommes ; car, encores qu’il soit vray, à force de mentir & jurer on engendre quelque doubte à la vérité.

— Si est ce, » dist Longarine. « Ung péché à grand peine peut estre si secret qu’il ne soit révellé, sinon quant Dieu par sa miséricorde le couvre dans ceulx qui pour l’amour de luy en ont vraye repentance.

— Et que direz vous, » dist Hircan, « de celles qui n’ont pas plus tost faict une folye qu’elles ne la racomptent à quelcun ?

— Je la trouve bien estrange, » respondit Longarine, « & est signe que le péché ne leur desplaist pas, &, comme je vous ay dict, celluy qui n’est couvert de la grace de Dieu ne se sçauroit nyer devant les hommes, & y en a maintes qui prenans plaisir à parler de telz propos se font gloire de publier leurs vices, & aultres qui, en se coupant, s’accusent.