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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/240

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VIJe JOURNÉE

aultres bons personnages de la Court, & s’accordèrent tous troys d’avoir part au marché.

Mais, en sercheant le quatriesme compaignon, va arriver ung Seigneur beau & honneste, plus jeune de dix ans que tous les autres, lequel fut convié en ce bancquet, lequel l’accepta de bon visaige, combien que en son cueur il n’en eut aucune volunté, car d’un costé il avoyt une femme qui luy portoyt de beaulx enfans dont il se contentoit très fort, & vivoient en telle paix que pour rien il n’eût voulu qu’elle eût prins mauvais soupson de luy. D’autre part il estoit serviteur d’une des plus belles Dames qui fût de son temps en France, laquelle il aymoit, estimoit tant que toutes les aultres luy sembloient laydes auprès d’elle, en sorte que, au commencement de sa jeunesse & avant qu’il fût marié, n’estoit possible de luy faire veoir ne hanter autres femmes, quelque beaulté qu’elles eussent, & prenoyt plus de plaisir à veoir s’amie & de l’aymer parfaictement que de tout ce qu’il sçeut avoir d’une aultre.

Ce Seigneur s’en vint à sa femme & luy dist en secretz l’entreprinse que son maistre faisoyt & que de luy il aimoyt autant morir que d’accomplir ce qu’il avoyt promis, car, tout ainsy que par collère n’y avoit homme vivant qu’il n’osast bien assaillir, aussy sans occasion par ung guet à pans aymeroit mieulx morir que de faire ung meurdre, si l’hon-