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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/247

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LXIIIJe NOUVELLE

n’y eut ordre de l’en divertir. Toutesfoys, congnoissans d’ont son mal estoyt venu, pensèrent de chercher la médecine & allèrent devers celle qui estoyt cause de ceste soubdaine dévotion, laquelle, fort estonnée & marrye de cest inconvénient, ne pensant que son refuz pour quelque temps luy servist seullement d’expérimenter sa bonne volunté & non de le perdre pour jamais, dont elle voyoit le danger évident, luy envoya une Epistre, laquelle, mal traduicte, dist ainsy :

Pour ce qu’amour, s’il n’est bien esprouvé,
Ferme & loial ne peut estre approuvé,
J’ay bien voulu par le temps esprouver
Ce que j’ay tant desiré de trouver ;
C’est ung mary remply d’amour parfaict
Qui par le temps ne peut estre desfaict.
Cela me feyt requérir mes parens
De retarder pour ung ou pour deux ans
Ce grand lien qui jusques à la mort dure,
Qui à plusieurs fois engendre peyne dure.
Je ne feis pas de vous avoir refuz ;
Certes jamais de tel vouloir ne fuz,
Car oncques nul que vous ne sçeuz aymer,
Ny pour mary & seigneur estimer.
Ô quel malheur ! Amy, j’ay entendu
Que, sans parler à nulluy, t’es rendu
En ung couvent & vie trop austère,
Dont le regret me garde de me taire
Et me contrainct de changer mon office,
Faisant celluy dont as usé sans vice ;