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LXIIIJe NOUVELLE

à luy dire tous les propos qu’elle pensoyt dignes de le retirer du lieu où il estoyt. À quoy respondit le plus vertueusement qu’il luy estoyt possible ; mais à la fin feyt tant le pauvre Religieux que son ceur s’amolissoyt par l’abondance des larmes de s’amye, comme celluy qui voyoit Amour, ce dur archer dont tant longuement il avoyt porté la douleur, ayant sa flèche dorée preste à luy faire nouvelle & plus mortelle playe, s’enfuyt de devant l’Amour & l’amye, comme n’aiant autre povoir que parfouyr.

Et, quant il fut dans sa chambre enfermé, ne la voullant laisser aller sans quelque résolution, luy vat escripre trois motz en espagnol, que j’ay trouvé de si bonne substance que je ne les ay voulu traduire pour en diminuer leur grace, lesquelz luy envoia par ung petit Novice qui la trouva encores en la chapelle, si desespèrée que, s’il eut esté licite de se rendre Cordelière, elle y fut demourée ; mais, en voiant l’escripture :

Volvete don venesti, anima mia,
Que en las tristas vidas es la mia,


pensa bien que toute espérance luy estoyt faillye & se délibèra de croyre le conseil de luy & de ses amys, & s’en retourna en sa maison mener