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VIJe JOURNÉE

reposer en sa garde-robbe, feit venir deux chevaulx pour luy & le Gentil homme, & toute la nuyct se mirent en chemyn pour aller depuys Argilly, où le Duc demoroit, jusques au Vergier &, laissans leurs chevaulx hors l’enclosture, le Gentil homme feit entrer le Duc au jardin par le petit huys, le priant demorer derrier ung noyer, du quel lieu il povoyt veoir s’il disoyt vray ou non.

Il n’eut guères demeuré au jardin que le petit chien commencea à japper, & le Gentil homme marcha devers la tour où sa dame ne falloyt à venir au devant de luy, & le saluant luy dist qu’il luy sembloit avoir esté mille ans sans le veoir, & à l’heure entrèrent dans la chambre & fermèrent la porte sur eulx.

Le Duc, ayant veu tout ce mistère, se tint pour plus que satisfaict & attendit là non trop longuement, car le Gentil homme dist à sa Dame qu’il estoyt contrainct de retourner plus tost qu’il n’avoyt accoustumé pour ce que le Duc debvoyt aller dès quatre heures à la chasse, où il n’osoit faillir.

La Dame, qui aymoit plus son honneur que son plaisir, ne le voulloyt retarder de faire son debvoir, car la chose que plus elle estimoit en leur honneste amityé estoit qu’elle estoit secrète devant tous les hommes.

Ainsy partyt ce Gentil homme à une heure après minuyct, & sa dame en manteau & en couvrechef