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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/317

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LXXe NOUVELLE

la jalousie des femmes & le despit les faict crever sans sçavoir pourquoy, & la prudence des hommes les faict enquérir de la vérité, laquelle congneue par bon sens monstrent leur grand cueur, comme feit ce Gentil homme, &, après avoir entendu qu’il estoit l’occasion du mal de s’amye, monstra combien il l’aymoit, sans espargner sa propre vie.

— Toutesfoys », dist Ennasuicte, « elle morut par vraye amour, car son ferme & loial cueur ne povoyt endurer d’estre si villainement trompée.

— Ce fut sa jalousie », dist Simontault, « qui ne donna lieu à la raison, & creut le mal, qui n’estoit poinct, en son amy, tel comme elle le pensoyt, & fut sa mort contraincte, car elle n’y povoyt remédier, mais celle de son amy fut voluntaire après avoir cogneu son tort.

— Si fault il », dist Nomerfide, « que l’amour soyt grande qui cause une telle douleur.

— N’en ayez poinct de paour », dist Hircan, « car vous ne morrez poinct d’une telle fiebvre.

— Non plus », dist Nomerfide, « que vous ne vous tuerez après avoir congneu vostre offence. »

Parlamente, qui se doubtoit le débat estre à ses despens, leur dist en riant :

« C’est assez que deux soient mortz d’amour sans que l’amour en face battre deux autres, car voilà le dernier son de Vespres qui nous départira, veuillez ou non. »

Par son conseil la compaignie se leva, & allèrent oyr Vespres, n’oblians en leurs bonnes prières les ames des vraiz amans, entre lesquelz les Religieux de leur bonne volunté dirent ung De profundis. Et, tant que le