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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/335

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LXXIJe NOUVELLE

fût Pèlerine contre sa Reigle que renfermée & devenir si scrupuleuse comme elle estoyt, craingnans que son desespoir luy feit renoncer à la vye que l’on mène là dedans, luy baillant de l’argent pour faire son voiage.

Mais Dieu voulut que, elle estant à Lyon ung soir après Vespres, sur le pupiltre de l’église de Sainct-Jehan, où Madame la Duchesse d’Alençon, qui depuis fut Royne de Navarre, alloyt secrètement faire quelque neufvaine avecq trois ou quatre de ses femmes, estant à genoulx devant le crucifix, ouyt monter en hault quelque personne & à la lueur de la lampe congneut que c’estoyt une Religieuse, &, afin d’entendre ses dévotions, se retira la Duchesse au coing de l’autel.

Et la Religieuse, qui pensoyt estre seulle, se agenouilla &, en frappant sa coulpe, se print à pleurer tant que c’estoyt pityé de l’oyr, ne criant sinon que :

« Hélas, mon Dieu, ayez pitié de ceste pauvre pécheresse ! »

La Duchesse, pour entendre que c’estoit, s’approcha d’elle en luy disant :

« M’amye, qu’avez vous, & d’où estes vous ? Qui vous amène en ce lieu cy ? »

La pauvre Religieuse, qui ne la congnoissoyt poinct, luy dist :