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POÉSIES INÉDITES DE LA R. DE NAVARRE

Combien l’espoir de vous m’est prouffitable.
Cest espoir est l’honneur de ma jeunesse
Et tout le bien de ma petite enfance ;
C’est le repos de toute ma vieillesse
Et le baston très seur de ma deffence ;

C’est le moyen tout seul de la victoire
De tous les maulx qui m’ont peu advenir ;
S’ilz sont vaincus, à vous en est la gloire,
De qui je sens force & vertu venir ;
C’est la santé qui chasse maladie
Du corps, du cœur & de l’entendement,
Et seureté telle, quoy que l’on dye,
Nuyre ne peult à mon contentement ;

C’est le bourdon de mon pèlerinaige,
L’appuy très fort de ma débilité,
Lequel tenant, toute peyne & voyaige
M’est un repoz & grand utilité ;
C’est ce qui tous mes ennuys
[me] faict prendre
Patiemment, desquelz je suis deslivre,
Et sans lequel je vous supply entendre
Qu’il ne m’estoit plus possible de vivre ;

C’est cest espoir, par qui mes passions
Vaincues sont & rendues contentes,
Qui mect à riens mes tribulacions
Que j’estimois ardentes & picquantes ;
Par cest espoir, qui de vous seul procède,
Je n’ay trouvé nul malheur importable,
Car si grande est sa vertu qu’elle excède
Peyne & ennuy & mal intolérable.