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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome IV.djvu/197

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LES ADIEU

Demeure au cœur sans se povoir monstrer,
Qui bien souvent le fait d’angoisse oultrer.
Mais de quoy sert à la personne aymée
Ceste douleur dens un cœur abysmée,
Si par dehors ne monstre quelque effect
De ceste Amour & regret très parfait,
Non pour son mal & ennuy révéler,
Mais pour l’absent regretté consoler ?
Voilà que fait la main servir à l’œuvre,
Par qui le dueil tant couvert se descœuvre.
Or donques, Main, ton office fault faire,
Pour un petit au regret satisfaire,
Car bien souvent la lamentation
Mise en escrit est consolation
A qui l’escrit & à qui le doit lire.
Nous escrirons donc à fin de te dire
L’adieu, lequel prononcer n’avons peu,
Tant que noz yeux ce qui leur plaist ont veu,
Mais maintenant ferons nostre harangue,
En nous servant de la plume pour langue,
D’encre pour voix, & de papier pour bouche,
Te déclarant ce qui au cœur nous touche.




Madame de Grantmont.

« C’est moy qui dois de Dueil porter bannière ;
C’est moy, Grantmont, qui me metz la première.
Car mon ennuy toutes les autres passe,
Je dy adieu à toy & à la grâce,
Que j’ay long temps desirée de voir,
Et, l’ayant veue, encores plus devoir