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DE MARGUERITE DE NAVARRE

poème des quatre Dames & des quatre Gentilshommes & dans celui de la Coche.

La première Femme a un mari fâcheux & jaloux à tort : la Vieille lui conseille de le changer en coucou. À la seconde, mariée à un mari qu’elle aime & qui en aime une autre, elle conseille de l’aimer comme il fait, ou peu, ou beaucoup, ou pas du tout : c’est l’union ou la revanche. La première Fille veut rester fille & se moquer des amoureux : la Vieille, qui a de l’expérience, lui dit qu’elle aimera. Elle dit à la seconde Fille, qui fait l’éloge de l’amour, que celui qu’elle aime & qui l’aime cessera de l’aimer. Après cela & pour la danse, si fréquente & comme traditionnelle à la fin des Farces, arrivent un vieillard & quatre hommes, non pas pour faire une contre-partie littéraire, mais pour donner aux cing femmes leur nombre de cavaliers.

L’Inquisiteur est vraiment un peu trop naïf. Il se dit à lui-même qu’il est un coquin, & les Enfants parlent comme des Docteurs de l’Église ; mais on y sent le grand souffle religieux de ce sentiment, calviniste au XVIe siècle & janséniste au suivant, que l’homme est impuissant sans la grâce, & que la foi l’emporte sur les œuvres elles-mêmes. C’est le Fides justificat, non opera, ce passage de l’Épître aux Romains qui, sous cette forme, était la marque de proscription pour les Bibles hérétiques.

La quatrième Farce, malgré ses obscurités, se rapporte a la supériorité des petits qui possèdent la vraie doctrine sur les grands qui se livrent à leurs passions. Ils sont représentés par des personnages allégorisés, d’ailleurs si fréquents dans le théâtre comique du XVe & de la première moitié du XVIe siècle.

Trop & Prou, qui sont de gros Seigneurs de ce monde, ont des robes riches & gorgiases, cannetillées, profilées, ricamérées, frisées & brochées d’or, d’argent & de soie ; mais par contre ils ont de grandes, lourdes & laides oreilles bestiales, des oreilles d’âne comme celles du roi Midas ; ils les cachent