Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome IV.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
295
DU TOME SECOND

de Cambrai le Cardinal d’Amboise, qui allait y conclure avec l’Empereur une alliance contre la République de Venise ; la même année, il alla avec le Maréchal de Trivulce à Rome pour faire entrer le Pape dans cette ligue.

Lorsque la guerre fut déclarée, Charles, déposant sa robe de magistrat, prit une part active à la campagne contre Venise & se conduisit avec une telle valeur à la victoire d’Agnadel que Louis XII le créa Chevalier sur le champ de bataille, &, par un brevet daté du 14 mai 1509, l’autorisa à porter l’épée, les éperons & les autres insignes de la chevalerie[1].

Sa dernière mission diplomatique fut à la cour du Pape Léon X. Il y fut envoyé par le Roi en 1515 & obtint du Pape une bulle d’indulgences pour lui & plusieurs des conseillers du Parlement de Grenoble[2]. La même année, il fut choisi, à cause de son grand savoir, pour présider à l’éducation de Renée de France, fille du Roi, née le 25 octobre 1510. Il est douteux qu’il ait pu commencer à remplir cette charge, car il mourut peu de temps après l’avoir obtenue. Il fut, en effet, remplacé dans la première présidence du Parlement de Grenoble par Falcon d’Aurillac, le 2 décembre 1516.

Sa famille resta fixée en Dauphiné, où elle s’éteignit obscurément dans le courant du XVIIe siècle, après avoir rempli quelques charges inférieures dans la magistrature ou les finances. Un seul de ses fils, qui se nommait Antoine, avait paru hériter dans une certaine mesure de ses talents ; il fut conseiller au Parlement de Rouen (1519) & ambassadeur, en 1530, auprès du Duc de Milan[3].

La femme de Jeffroy Charles, l’héroïne de la tragique aventure racontée par la Reine de Navarre, & qui paya de la vie son amour pour le clerc Nicolas, se nommait Marguerite du Mottet & appartenait à une très ancienne famille Embrunaise ; avant de tromper son mari, elle l’avait rendu père de huit enfants.

  1. Lettres de chevalerie pour messire Jeffroy Charles, arch. de l’Isère. VIII Generalia, vol. 46.
  2. Bibliothèque nationale, Mss. Duchesne, vol. 7, p. 341.
  3. Bibliothèque nationale, Cabinet des titres, pièces originales, vol. 680, no 15,921. Quelques auteurs, entre autres Guy Allard, ont voulu faire de Lancelot de Carles, évêque de Riez, bien connu des bibliophiles par quelques opuscules en vers dont le plus grand mérite est l’extrême rareté, un fils de Jeffroy Charles. C’est une erreur ; il appartenait à une famille de Bordeaux, toute différente de celle de notre Président & portant d’autres armoiries. Ces deux familles n’eurent aucune alliance ni aucun rapport entre elles ; leur seule ressemblance, c’est qu’elles ont toutes deux fourni un certain nombre de magistrats aux Cours de justice ou de finances du royaume.