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FARCE DES FILLES

Pensant qu’au jour il y ha heure maincte
Et qu’amour fust joincte à mutacion.

Riens n’a servy ma bonne intencion ;
Je l’ay perdu. Il ha une maistresse,
Qui de son cueur prent la possession.
Il est bien vray que le corps seul me laisse ;
Son corps sans cueur augmente ma tristesse.
Plus j’en suis près, moings j’y prans de plaisir ;
Si j’en suis loing, mon cueur souffre destresse,
Car de le veoir sans cesser j’ay desir.

Soit près ou loing, je n’ay que desplaisir,
Et le pis est que mon amour augmente
Tant que ne sçay lequel je doibz choisir,
Veoir ou non veoir, car chacun me tourmente.
Toute la nuict sans dormir me lamente,
En regrettant l’amytié incongneue
Que je luy porte, dont sa nouvelle amante
La joye en prend qu’autres foys j’ay reçeue.

Je brusle & ars ; je me morfonds, je sue ;
En fiebvre suis, mais mon seul Médecin,
Qui me pourroict du tout guarir, me tue,
Et si feray de ma plainete la fin.

La Première Fille.

Liberté honneste
A garder suis preste
Sans m’en divertir ;
Amour & follye
De mérencolye deci est ded test por tered
Ne se peult sortir.