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Page:Marguerite de Navarre - Les Marguerites de la Marguerite des Princesses, t. 1, éd. Frank, 1873.djvu/134

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Et qui pis est, je n'ay pas la puissance D'avoir d'un seul, au vray, la congnoissance. Bien sens en moy que j'en ay la racine, Et au dehors ne voy effect ne signe, Qui ne soit tout branche, fleur, fueille et fruit, Que tout autour de moy elle produit.

Si je cuyde regarder pour le mieux, Me vient fermer une branche les yeux ; Tombe en ma bouche, alors que veux parler, Le fruit par trop amer à avaller. Si pour ouyr mon esperit s'esveille, Fueilles à tas entrent en mon oreille ; Aussi mon nez est tout bousché de fleurs. Voila comment en peine, criz et pleurs, En terre gist sans clarté ne lumiere Ma chetive ame, esclave et prisonniere, Les piedz liez par sa concupiscence, Et les deux bras par son acoustumance. En moy ne gist le povoir du remede, Force je n'ay pour bien crier à l'aide.

Bref, à jamais, à ce que je peux voir, Espoir aucun de fin ne dois avoir[1] ; Mais sa grace, que ne puys meriter, Qui peult de mort chacun resusciter, Par sa clarté ma tenebre illumine ; Et sa vertu, qui ma faulte examine, Rompant du tout le voile d'ignorance,

  1. Jean 1.