Page:Marguerite de Navarre - Les Marguerites de la Marguerite des Princesses, t. 1, éd. Frank, 1873.djvu/228

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ORAISON Plus le cuydons faire à tous apparoistre ; Car ta grandeur nul ne sçauroit accroistre ; Ton Nom est tel et sy tresadmirahle, Que de ton filz seul nommé il peult estre , Car à tout autre il est incomprenable. Qui suis je^ moy qui veux monter si hault^ Sans £sle avoir, eschelle ou eschafault.^ Me puis je bien au vray congnoistre et voir ? Je suis de fange, ou chose qui moins vault ; Un corps en qui toute vertu default ; A qui survient la nuict avant le soir De brefve vie, et si tresteinte en noir, Que le mal dure et le bien y est court. Tant ignorant qu’il ne se peult pas seoir. Mais à la mort, sans la congnoistre, court. Ma vie doit un songe estre estimée. D’ombre passant de vapeur ou fumée. Car tous les ans et les beaux jours sont telz. Force et beauté n^est rien qu’une nuée, D^un peu de vent défaite et abysmée. Courte santé nous monstre tous mortelz, N’honnorons point nos veaux sur les autelz En nous louant ^ estimant nostre corps ; Car s*il n’est mis au reng des immortelz, Mieux que vivant seroit au reng des mortz. Plaisir, honneur, santé j force et richesse. Grâce et beauté, et sçavoir et noblesse,