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Page:Marguerite de Navarre - Les Marguerites de la Marguerite des Princesses, t. 1, éd. Frank, 1873.djvu/33

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la seule créature pour qui ce triste cœur semble avoir eu quelque tendresse ; elle lui était aussi trop utile pour qu’il la sacrifiât. Il lui suffisait de la tyranniser et de marier par procuration la fille de la reine de Navarre au duc de Clèves, un de ses alliés, en s’abstenant de consulter les intérêts ou les désirs du père et de la mère.

Au milieu de ses chagrins, si l’âme de Marguerite avait pu nourrir un sentiment de vengeance, elle eût triomphé de la condamnation de l’odieux Noël Bedier, enfermé au Mont-Saint-Michel, où il mourut en 1537, et de la disgrâce du connétable de Montmorency, arrivée le jour des noces de Jeanne d’Albret, en 1540. Mais combien plus elle était affectée par tant de malheurs qu’elle eût voulu écarter, et quelle angoisse affreuse ne dut-elle pas ressentir lorsqu’on brûla en 1539, à Bourges, dans ses propres États, un de ses aumôniers, Jean Michel, qui revenait de l’exil ! Obligée elle-même de se tenir en garde contre les fureurs du clergé, que pouvait- elle désormais ? La pauvre femme penchait vers son déclin, et sa cour de Nérac, autrefois si brillante, n’était plus remplie que du souvenir des morts et des proscrits. Et pourtant, malgré de si chères espérances flétries, malgré la lasseté qu’elle laisse enfin paraître, elle n’abandonne pas ce frère qui ne cesse de la désoler. C’est dans un de ces fatigants voyages qu’en passant par Lyon elle rencontre, avec Etienne Dolet et Charles de Sainte- Marthe, Bonaventure des Périers qu’elle avait dû éloigner pour le soustraire aux coups de la Sorbonne. Malade, elle reçoit dans Nérac la visite de François Ier se préparant à châtier les Rochelois mutinés pour un droit de gabelle, et intercède en leur faveur. En 1544, allant