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L’HISTOIRE DES SATYRES

Que j’ay tousiours de parfaire courage :
Car mon honneur est mon don couronner
En quelque lieu qu’il m’ayt pieu m’adonner.
Donné leur ay ce que garder je veux.
Si elles ont osé faillir leurs vœux,
Faillir ne veux à ma grande bonté,
Par qui tout mal par le bien est dompté.
Je voy leurs piedz de courir agravez,
D'elles si près les meschants despravez,
Que les cheveux d’elles souvent ils touchent,
Las ! peu à peu qu’à terre ne se couchent.
Leur cœur leur fault, leur alaine se pert,
Le poulx leur bat, la sueur leur appert
Comme ruisseaux tout le long de leur corps.
Rien plus ne font, fors qu’en piteux records,
Crier à moy, qui ne puis plus porter
Ceste douleur sans les reconforter.
Si je permets qu’elles meurent en l’eau,
Tant est le corps d’une chacune beau
Que j’aurois peur qu’après mort abusassent
De leur beauté, et que d’elles usassent
Mes ennemys, dont la fureur est telle
Que par la Mort ne peult estre mortelle.
Je ne veux point que corps à moy vouez
Soient prestez aux meschans, ni louez.
Si chastes sont vivantes préservées.
Chastes seront après mort conservées.