Page:Marguerite de Navarre - Les Marguerites de la Marguerite des Princesses, t. 4, éd. Frank, 1873.djvu/126

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comédie.

Me va nommant, dont le moindre est : meschante.
Helas ! c’est bien sans raison ny couleur :
Car je suis trop de ce vice innocente.
Voilà le chant que nuict et jour me chante.
J’endure tout, et si n’y gaigne rien.
Mais la vertu, et l’honneur, qui m’enchante,
Me font souffrir dire ne sçay combien.
Si seray je tousjours femme de bien,
Ce qu’il ne croit, dont il me tient grand tort.
Mais je ne puys trouver un seul moyen
Pour recevoir, ny donner reconfort
A mon amy, qui m’ayme si tresfort ;
Car je crains trop honneur et conscience.
Durer ne puis sans secours, ou sans mort :
Je perds le sens, raison et patience,


La II. Femme.

Si mon ennuy il vous plaist d’escouter,
Qui dens mon cœur ha prins source et naissance.
Possible n’est que vous puissiez douter
Que vous ayez jamais eu congnoissance
De nul plus grand. Car j’ay eu jouissance
Du plus grand heur qui m’eust sceu advenir.
Mais quoy ? le temps, par sa longue puissance,
M’a fait cest heur tout malheur devenir.
Car plus parfait ne sçauroit soustenir
Que mon mary ceste mortelle terre.