Page:Marguerite de Navarre - Les Marguerites de la Marguerite des Princesses, t. 4, éd. Frank, 1873.djvu/141

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comédie.

Si le temps aura le pouvoir
De changer ma grand’ amytié.

La Vieille.

Fille, vous me faites pitié,
Car vostre grand contentement
Ne sçauroit durer longuement.
Le cœur d’un homme est si muable,
Le temps est si tresvariable,
Les occasions qui surviennent,
Les paroles qui vont, et viennent,
Qu’impossible est qu’Amour soit ferme,
Combien qu’il le jure et afferme.
Las, ma Fille, il m’a bien menty !
Il me presenta un party,
Au printemps de ma grand’ jeunesse,
Tel qu’au Ciel n’y avoit Deesse
A qui j’eusse changé mon lieu.
Mon amy j’aymois plus que Dieu,
Et de luy pensois estre aymée.
Dont de nully n’estois blasmée.
Or voyez que le temps m’a fait :
Un serviteur si tresparfait
Il m’a osté sans nul respit,
Dont j’ay souffert si grand despit
Que, soixante ans ha, le regrette.
Vieille je suis, mais je souhaite