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LA COCHE

Mais, regardant la nuict trop s’avancer,
Contrainte fuz d’empescher le discours
De leurs propos, que je trouvais trop cours ;
Car je n’ouy onques femmes mieux dire,
Pour sentir tant qu’elles d’ennuy et d’ire.
Et si le lieu où failloit retourner
Eust esté près, voluntiers sejourner
Qu’on nous eust veu jusques au lendemain,
Passant la nuict à ce doux air serain !
Celles en qui serain, travail, sommeil,
N’estoit senty, et du trescler Soleil
L’absence estoit de leurs yeux incongnue,
Et de la nuict la soudaine venue,
Congnurent bien, escoutans ma raison,
Que du partir estoit heure et saison :
Qui leur despleut, Car chacune n’avoit
De son ennuy dit ce qu’elle sçavoit.
Parquoy en pleurs voulurent reveler
Ce que le temps les contraingnoit celer,
Et de souspirs et larmes feirent langues
Pour achever sans parler leurs harangues.
Las ! ce plourer me monstra le tourment
Dont ne sçavois que le commencement.
Par leur parler les larmes confermerent
Quel fut l’ennuy de celles qui aymerent.
Je ne croy pas que perdre pere et mere
Sceust engendrer passion plus amere