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L’UMBRE


Amour en qui vertu est toute enclose,
Par qui se fait et conduit toute chose,
Et à qui rend tout cœur obeïssance,
Contre lequel povoir est impuissance,
Qui tout mesure et tout prise, et tout nombre,
Me fait parler, moy qui ne suis qu’une Umbre
Pour ceste fois, ce qui m’est permis faire,
Pour au desir de celuy satisfaire,
Qui veult sçavoir qui je suis, et comment
Avoir je puis Amour sans sentement.
Umbre je suis de celuy qui m’ha faite,
Pour n’estre pas sans luy deffait deffaite :
Tant qu’il sera congnu, je le seray,
Et nulle part je ne le laisseray.
Umbre du grand par lequel je suis grande,
Qui se fait craindre à tous ceux qu’il commande :
C’est le puissant, c’est le beau, c’est le sage,
Qui n’ha de soy ne semblance n’ymage :