Page:Margueritte - À la mer, 1906.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à ce que de telles suppositions, déshonorantes pour la jeune femme, et périlleuses pour lui-même, contenaient d’affreux et inavouable égoïsme.

Mais quoi, la jeunesse et l’instinct qui veut qu’on aime l’emportaient. Et il montait, d’un élan fort et élastique, penché en avant, fouetté de vent salé, en plein ciel, sur la falaise au bas de laquelle battait la mer.

Quand il fut tout en haut, il aperçut deux silhouettes immobiles qui contemplaient le large, une très petite silhouette d’enfant, une plus grande de femme. Elles ne lui étaient pas inconnues. A mesure qu’il approchait d’elles, il cessait, intrigué et curieux de les reconnaître, de penser à « sa tante » et aux équivoques et malsaines impressions qu’elle suscitait en lui. Il ne douta plus au bout de quelques instants : les promeneurs immobiles qui regardaient la mer étaient son camarade Pierre et Mme Emomot.

Pourquoi Albert ressentit-il une honte étrange, pourquoi ne fut-il plus si fier d’être grand garçon, de connaître et de convoiter le mal, pourquoi souhaita-t-il que le vent salubre qui lui balayait le visage, balayât aussi de son âme ce qu’elle contenait d’impur ? Mystérieuse et inexplicable puissance