des faisceaux de drapeaux. Accrochées aux grilles, entassées sur le soubassement, escaladant les coqs de bronze, des grappes humaines oscillaient, à l’assaut de l’énorme colonne, qui de la base au faîte disparaissait sous l’amas des fleurs de deuil et de commémoration, les bannières suspendues, les étendards tricolores et noirs. Des groupes de clairons, chaque fois qu’apparaissait un bataillon, sonnaient, stridents, aux quatre coins. De la galerie d’en haut, d’autres clairons répondaient. En plein ciel, couronné de verdure, le génie d’or de la liberté s’élançait, secouant d’une main les chaînes brisées et, de l’autre, lié au flambeau, un drapeau rouge, claquant au vent.
— C’est pas Chambord qui grimpera l’enlever ! dit un gros homme roux, qui avait une loupe sur l’œil.
— Ni Badingue !
Une voix fraîche d’ouvrière perlait, dans un rire. Chatouillée, elle se retourna :
— Bas les pattes, Médor !
— Vous direz ce que vous voudrez, citoyen, — un garde national en blouse, avec conviction, tapa sur l’épaule de l’homme roux : — si je tenais le tas d’avocats qui nous a livrés aux Prussiens…
Il fit le geste d’écraser des poux. La loupe approuva, véhémente :
~ Et ça se dit républicains ! Favre, Picard, Simon, des foies blancs, v’là ce que c’est…
On rit. Une bonne humeur frondeuse soulageait la douleur, la colère concentrées.
— Toutes les réactions se conjurent, reprit un bourgeois, doctrinal dans sa redingote. À la tête de l’armée, un suppôt du Deux-décembre, un sénateur de l’Empire, le fusilleur de janvier, Vinoy… Au pouvoir exécutif, Thiers, l’orléaniste !… Si Paris ne veillait pas…
Un brouhaha lointain, des acclamations s’élevèrent.
— Qu’est-ce que c’est ? dit l’ouvrière, tendant son visage souffreteux, où des yeux ardents luisaient. Elle