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Page:Mariéton - Joséphin Soulary et la Pléiade lyonnaise, 1884.djvu/43

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Joséphin Soulary

très naturel au poète et qui impose l’admiration plutôt que la sympathie, si l’on peut ainsi parler, n’est autre qu’une virtuosité sans égale. On cite, il est vrai, certaines pages où la perfection, la recherche de l’art, s’élève au tour de force. L’une d’elles, par exemple, et de toutes la plus connue, Rêves ambitieux :

Si j’avais un arpent de sol, mont, val ou plaine,
Avec un filet d’eau, torrent, source ou ruisseau,
J’y planterais un arbre, olivier, saule ou frêne,
J’y bâtirais un toit, chaume, tuile ou roseau.
 
Sur mon arbre un doux nid, gramen, duvet ou laine,
Retiendrait un chanteur, pinson, merle ou moineau ;
Sous mon toit un doux lit, hamac, natte ou berceau,
Retiendrait une enfant, blonde, brune ou châtaine.
 
Je ne veux qu’un arpent ; pour le mesurer mieux,
Je dirais à l’enfant, la plus belle à mes yeux :
Tiens-toi debout devant le soleil qui se lève !
 
Aussi loin que ton ombre ira sur le gazon,
Aussi loin je m’en vais tracer mon horizon :
Tout bonheur que la main n’atteint pas n’est qu’un rêve.