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MAIAKISIS

conventuelle, il porte soutane et crucifix d’Oblat. Le long du jour il a généralement une blouse d’alpaga et un feutre à large bord.

Doué d’une force physique extraordinaire, d’une calme énergie toujours victorieuse parce que sûre d’elle-même, et d’un véritable génie d’organisation, le frère Mofette fût devenu dans le monde — on l’a souvent dit — général ou millionnaire. On ne coulera pas sa statue car il n’a versé le sang de personne ! J’ai la témérité de croire, à part moi, qu’il a fait beaucoup mieux et beaucoup plus : il a travaillé indirectement au salut de beaucoup d’âmes ; il a fait du bien aux colons ses frères ; il a multiplié les clochers, agrandi le domaine de la vie et de sa race. Cela peut et doit suffire à la plus robuste des ambitions.

Devant cet homme, aujourd’hui encore fort et droit comme les ormes de nos champs, on a peine à croire aux terribles et légendaires voyages qu’on lui attribue, alors que, au cours de l’hiver, il ravitaillait la Mission en traîneau depuis Pembroke, et plus tard, depuis Mattawa, couchant à la belle étoile par des froids hyperboréens. Malgré sa façon toute simple de raconter les plus affreuses choses, on devine en l’écoutant l’horreur de certaines nuits passées à courir en raquettes autour du cheval, frappant sans cesse le pauvre animal, de peur que l’homme et la bête ne s’endorment tous deux d’un sommeil mortel !