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LA POINTE-AUX-GRAINES

pline, elles se lèvent ensemble, ensemble se posent, obéissant à un chef invisible dont le signal échappe. Elles passent, inclinent ensemble à droite, à gauche, décrivent avec un parallélisme impeccable les plus capricieuses évolutions pour, sous de certains angles, nous envoyer dans l’œil l’éclair multiple de leur aile bicolore !

Vers le soir, tout ce monde piailleur et paillard se rassemble pour la nuit dans les anses abritées ; si la marée baisse, les loups-marins se hissent sur les pierres à mesure que le reflux les découvre : petits loups-marins d’esprit à fourrure tachetée, et gros loups-marins à tête de cheval. Au travers des cris adoucis des goélands, on perçoit leurs plaintes d’enfants et le clapotis de l’eau, où ils se laissent glisser par manière de jeu.

Souvent, très souvent, entre les épinettes du rivage, paraissent un, deux, trois chevreuils. Parmi les corps morts ils paissent les maigres graminées et les gesses du talus ; ils hument le salin, regardent l’horizon, écoutent, immobiles, le bruit de la vague. Parfois ils prennent des courses folles, s’arrêtent encore et rentrent comme à regret sous le couvert. Plus rarement un ours noir montre son museau rouge et s’en va lourdement ; un renard argenté se coule entre les herbes grasses et descend à la mer en tapinois, à la recherche de quelque menue proie.