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Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/15

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PRÉFACE

immense territoire. Car c’est bien votre coquetterie que de nous conduire de préférence en des endroits presque vierges encore de l’indiscret regard du touriste. Botaniste d’instinct, je trouve que vous l’êtes jusque dans ce penchant à vous éloigner des routes banales et des sentiers battus, pour aller découvrir les plantes les plus rares, ou, « les orchidées pourpres, les asters couleur de ciel, les étoiles d’or des hudsonias, la grâce liliale et souple des fines linaigrettes » trouvées, par vous, je crois, aux dunes sauvages de la Madeleine. Mais voilà que je vous cite encore, malgré la défense que je m’en étais faite. C’est bien votre faute, cependant ! Vous mettez à comprendre et à aimer la nature — l’humaine comme la végétale — tant d’art affectueux et clairvoyant, que l’on ne sait plus qui l’on aime davantage en vous, de l’écrivain, de l’artiste ou du savant. Pour ma part, je les unis tous les trois dans un sentiment que je ne vous dirai pas, mais que je sais bien être partagé par tous vos lecteurs, nombreux comme ces sables vierges « tout damasquinés par le pied trine des alouettes, qu’effacera bientôt le flot de la marée, d’un revers de lame, comme la vague du temps effacera la trace menue de notre passage sur la dune aride de la vie, pauvres alouettes humaines que nous sommes… »

Eh oui ! « Nous passons comme une ombre vaine », et le vieux cantique a raison. Mais ce n’en est pas une de nous attrister, vous en donnez vous-même l’exemple, et je crois que le passage cité est la seule note un peu mélancolique trouvée en toute votre œuvre. Plutôt regardez-vous la vie comme nos fleurs, nos plantes, nos arbres : avec une douce et affectueuse sérénité, qui se répand autour de vous comme un baume et fait du bien à l’âme de qui vous approche ou vous lit. Et l’on éprouve en vous quittant que l’on aime davantage encore le cher Canada, que tant d’autres dédaignent parce qu’ils ne l’ont pas, comme vous, regardé attentivement et avec des