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LES MADELINOTS

— On étend sur la prée une ligne à morue boettée avec des têtes de hareng. Les goélands y veniont, y mordiont, et y s’preniont !

Beaucoup plus générale est la belle désinvolture avec laquelle les Madelinots traitent la vieille règle grammaticale du pluriel des noms en al. Vous vous rappelez, ami lecteur, des exceptions apprises à la petite école ?… Les gens d’ici ont, depuis des siècles, réformé cette fantaisie et presque tout le monde dit sans sourciller : des chevals et des canals. Observons en passant que lorsque les Madelinots vous proposent de vous conduire quelque part à cheval, ils veulent dire en voiture, et que les canals dont ils parlent, sont les fossés ou les rigoles de la prée.

Peut-être fera-t-on difficulté à me croire, mais j’affirme néanmoins que le vocabulaire des Madelinots, en tant qu’il se restreint aux objets concrets qui les entourent, est très riche comparativement à celui de nos habitants. À l’encontre de ces derniers, nos insulaires ont par exemple des noms vulgaires pour beaucoup de plantes sauvages. En certains cas, ces désignations sont exactement à l’inverse de celles usitées dans le Québec. Comme les Bourguignons et les Francs-Comtois d’aujourd’hui et d’autrefois, les Madelinots ne connaissent que sous le nom de vernes les aulnes dont ils se servent pour teindre leurs étoffes, d’où le nom de la Vernière, hameau de l’Île de