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Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/173

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LES MADELINOTS

les vieillards voient les enfants de leurs petits-enfants. Enfin, point n’est besoin de bons samaritains, car la charité règne en tous les cœurs.

Si l’on n’entendait, parfois — très rarement — quelques jurons anglais dans la bouche des pêcheurs, l’on pourrait dire que le blasphème est totalement inconnu ici.

— Capitaine, demandait devant moi un touriste anglais, au patron d’une goélette amarrée au quai du Cap-aux-Meules, dites-moi donc pourquoi les gens des Îles ne sacrent qu’en Anglais ?

— Les gens d’ici, répondit le marin en calant sa casquette, ne savent pas sacrer en français. Ce sont les Anglais qui leur ont appris ces patois-là. Ils n’en savent pas d’autres !

Et de fait, leurs imprécations — puisqu’aussi bien il faut que l’âme humaine crie ses joies et ses douleurs ! — sont extrêmement anodines : batêche, bleudi, gibier au vol, espèce d’andouille, etc.

Les Madelinots sont essentiellement pêcheurs : de hareng ou de homard, de morue ou de maquereau, suivant la saison. Il faut y ajouter la chasse au loup-marin, qui est la première dans l’ordre du temps. Cette chasse — cela s’appelle aller aux glaces — a lieu entre le 15 mars et le 15 avril. Dès le début du Carême les préparatifs commencent. Plus de dîners, plus de promenades, chacun prépare son canotte, ses garcettes, ses