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CROQUIS LAURENTIENS

Toutes les précautions dûment prises contre le froid et la famine, les pêcheurs vont hâler les barges et les bottes, déverguer les voiles, démonter les moteurs, et bientôt les centaines de quilles en l’air sur les rins de pêche, annoncent que les Madelinots ont fini de travailler. Le vapeur a déjà quitté les Îles, et les Madelinots sont prisonniers. Il n’y a plus qu’à vornusser (muser) jusqu’aux fêtes. Et l’on vornusse avec délices ! Tout au plus, lorsque la glace recouvre la baie d’En-Dedans, va-t-on chercher au Nord une partie de son foin de dune, histoire de se dégourdir les bras.

Mais voici qu’approche la fin de décembre. Les femmes commencent à s’agiter dans les petites maisons ; les manches se retroussent, les cheminées fument plus fort dans l’air dense, et dans les coffres, au froid, s’empilent les rôtis et les tortasseries (pâtisseries). Évidemment, on ne connaît pas bien les Madelinots quand on ne les a vus à table qu’en été !

Et puis, c’est Noël !… Noël ! La belle nuit givrée avec la joie vibrante effusant des clochers, la course des traîneaux vers l’église sur la neige qui crie, sous les yeux ardents des étoiles ! La Crèche et le petit Jésus de cire qui agrandissent les yeux des enfants ; les vieux chants qui allègent l’âme des anciens ; l’Hostie blanche qui vient à tous !