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L’ÉTANG-DU-NORD

on sent le souci bien féminin de relever un travail considéré comme humiliant, — puisque, sur les autres îles, on vous dit avec un peu de mépris que seules, les femmes du Bassin et de l’Étang-du-Nord vont aux coques.

Pour moi — je l’ai dit déjà — je suis d’avis contraire, et dans un autre ordre d’idées j’ajoute que si, en ces temps de débâcle de la couleur locale, il y a encore du pittoresque en notre Laurentie, c’est certainement le défilé des femmes de l’Étang-du-Nord allant aux coques !

Maintenant qu’elles sont passées, je me retourne pour les voir s’engager sur la longue barre de sable nu qui les conduira aux Araynes humides où se cachent les mollusques convoités. Tout à l’heure, les attelages se disperseront au hasard, comme fleurettes sur pré, sur l’étendue vide du Havre-aux-Basques. Pieds nus et troussées jusqu’aux genoux, les pêcheuses épieront, sur la plage unie par le flux, l’imperceptible prise d’air qui décèle le bivalve au repos, à un pied de profondeur. Un vigoureux coup de pêche-coques, et dans l’émiettement du sable mouillé, paraîtra la blanche coquille que les enfants recueilleront pour la déposer dans la baille. Quand on aura ainsi levé une ample provision, les petits chevaux, toujours secouant la crinière, reprendront l’interminable chemin de la dune, berçant les Made-