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Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/239

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LE HAVRE-AUX-MAISONS

Il y a quinze jours à peine, le même chant, puissamment intensifié par la magie d’un décor à souhait, m’a profondément remué aussi. Des jeunes gens de la Pointe-Basse, venus passer le dimanche au Havre-au-Ber et s’en retournant vers le soir, nous offrirent aimablement le passage. Voulant profiter de la soirée si belle pour leur faire un bout de conduite, leurs amis et connaissances chargèrent un autre botte et, vogue gaiement sur la Baie de Plaisance !

Un beau couchant avait calmé la mer pour s’y mirer à l’aise et tous les pétales de la rose des vents se livraient voluptueusement aux ardeurs du rouge : rouge violent des falaises éclairées par la tranche, rouge d’agonie de la lumière dans le linceul des nuages, rouge imposé à la moire des eaux tremblantes. Seul, l’orient, ouvert sur l’Atlantique enténébré déjà, échappait au magique pinceau, et de ce côté, l’œil ne rencontrait qu’un grand pan de bleu sombre qui chutait dans le noir.

Un câble fut jeté et les deux bateaux glissèrent de conserve, leurs deux petits mâts fraternisant sur le ciel et sur l’eau. Une voix de femme s’éleva à la proue, chantant l’Évangéline. Bientôt, au refrain, toutes les voix concertaient :


Évangéline ! Évangéline !
Tout chante ici ton noble nom !
Dans le vallon, sur la colline,
L’écho répète et nous répond :
Évangéline ! Évangéline !