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LA GRANDE-ENTRÉE

pas jusqu’à donner comme authentique cette prière du soir qu’un voyageur américain prête à certaine fillette : « Mon Dieu ! faites que je sois bonne, obéissante, et envoyez-nous un petit bateau à la côte pour demain matin. Ainsi soit-il ! »

La navigation à vapeur et l’établissement de phares puissants ont rendu plus sûres les grand’routes de la mer, et l’ère des naufrages fréquents est bien close. Mais longtemps encore les terribles histoires se raconteront au long des soirées d’hiver, et feront rêver sous les couvertures multicolores de leurs petits lits, les blondes fillettes de la Madeleine !

Hier, nous fûmes au Cap-de-l’Est, sans contredit le point le plus pittoresque des Îles et celui d’où l’on peut prendre une meilleure vue d’ensemble des Ramées.

Le Cap-de-l’Est, je l’ai dit plus haut, n’est qu’un îlot enlisé : ses trois demoiselles sont tranchées à pic du côté de la mer et des dunes, mais, en arrière, elles dévalent en pente d’herbe, douce et régulière. C’est par le plus magnifique soleil que nous allons à l’escalade, sans pitié pour la blancheur des draves, courant obliquement pour faire mordre nos semelles dans le gazon ras. La pente est longue et le vent nous étourdit un peu, mais quand tout à coup et sans crier gare, le