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Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/26

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CROQUIS LAURENTIENS
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— Parti tout seul, dans son canot, à l’aube ! Je crains toujours à le voir s’aventurer ainsi hors de la portée du canon de Ville-Marie ! S’il fallait que…

— À quatorze ans, c’est un homme. J’ai parlé aujourd’hui au capitaine du vaisseau du Roy qui veut bien le prendre comme garde-marine, Pierre y servira vaillamment, j’en suis sûr !

Un coup de mousquet qui claque dans l’air plus dense du soir, du bruit, des cris. Jetant sur les chenets deux gros castors, Pierre d’Iberville, rouge et suant, vient embrasser son père. Il a déjà l’œil corsaire. Le nez court donne au visage une expression de malice qui sera bientôt de l’audace, et fera de lui le plus terrible homme de guerre du Nouveau-Monde. D’Iberville ! Des forts qui s’écroulent, des caravelles anglaises éventrées qui sombrent ! Le drapeau fleurdelisé courant au pas de charge, du pôle à l’Équateur !

— Pierre, mon fils ! grande et bonne nouvelle ! Je dînai aujourd’hui sur le vaisseau du Roy où tu entreras demain comme garde-marine. Tu as quatorze ans ! À cet âge, les Le Moyne sont des soldats. Tu vas donc servir Sa Majesté Très Chrétienne. Aie souvenance qu’un bon français ne capitule jamais devant l’ennemi de la France.

Et la voix de la mère, très douce :

— Et n’oublie pas d’être toujours fidèle à Dieu, de dire tes patenôtres et de prier la