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Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/264

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CROQUIS LAURENTIENS

gulier de l’allumage sonne sur l’eau, s’accélère, se précipite ; démarrant soudain, le botte décrit une large courbe et vient doucement ranger l’échouerie, faisant fuir de travers les crabes roses cramponnés à la paroi.

À la barre, gabier ! et en route pour la Grosse-Isle, en traversant toute la Baie d’En-Dedans. Mais gare l’arbe-outarde ! l’arbe-outarde, c’est l’ennemi ! Les longs rubans verts pointent à la surface comme pour happer les gouttes de la pluie qui tombe toujours. Allons, Edmond ! coupe l’allumage, couche-toi à plat ventre sur la tille et désherbe ! Ouvre le carburateur maintenant et fauche encore, courageusement, à pleine herbe, dans la prairie marine !…

Cette opération, vingt fois répétée mécaniquement dans tous ses détails, dure une heure et demie, au cours de laquelle, passé l’îlot-Rouge, nous contournons à grand’peine la Grosse-Isle, une demi-demoiselle aux formes abondantes, qui abrite une petite colonie de pêcheurs anglophones. Mais l’arbe-outarde devient si agressive, qu’Edmond à Ben qui n’est pas de la Garde et ignore à la fois Cambronne et le genre d’héroïsme qui porte son nom, doit bientôt poser les armes — c’est-à-dire le crochet — et renoncer à aller plus loin. Nous jetons l’ancre le plus près possible de terre : les Grosse-Islois ne sont pas moins hospitaliers que les autres Madelinots et nous trou-