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Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/283

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BRION

ne sauraient plus, semble-t-il, s’en passer. Ils ont des roses pour leurs joies et pour leurs deuils, pour leurs charmilles et pour leurs cimetières, pour le vase et pour la boutonnière. La nature, non plus, ne saurait se passer des roses. Elle en a pour tous les climats et pour toutes les latitudes, sur tous les sentiers de l’homme, au cœur des plus lointaines solitudes. Elle en a pour ses prairies et ses rochers, pour ses ruisseaux et ses marécages, pour la montagne et pour la dune. Et il faut bien convenir qu’ici comme ailleurs, la rose, dès qu’elle veut bien écarter le mystère de son bouton, détient encore le sceptre de la beauté.

Debout au milieu de ces merveilles, dans l’ombre bleue du soir qui vient à grands coups d’ailes, je me répète que c’est ici même que le Malouin prit terre, et pour me suggestionner davantage, je récite tout haut le passage du Discours du Voyage, que je connais par cœur :

« Ces îles sont de meilleure terre que nous eussions oncques rencontré, en sorte qu’un champ d’icelle vaut plus que toute la Terre-Neuve. Nous la trouvâmes pleine de grands arbres, de prairies, de campagnes pleines de froment sauvage et de pois qui étaient fleuris aussi épais et beaux comme l’on eût pu voir en Bretagne, et qui semblaient avoir été semés par des laboureurs. L’on y voyait aussi une grande quantité de raisins ayant la fleur blanche dessus, des fraises,