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CROQUIS LAURENTIENS

À mi-fleuve le vapeur s’avance, souillant le ciel d’une longue traînée de fumée noire. À mesure que la proue fait tête au courant, les hautes lettres du mot LONGUEUIL paraissent une à une sur le flanc de bois. Déjà, la salle d’attente est évacuée. Dans le bruit des machines, les cris de la manœuvre, le bateau accoste, au grincement des amarres, perdu dans le clapotement des eaux troublées. Les passerelles, hâtivement baissées, dégorgent pêle-mêle piétons, voitures, ouvriers, touristes. Immobile comme un récif au milieu de cette vague humaine, conscient de son importance, le placide policier veille à la sécurité publique. La descente opérée, la cohue des montants s’ordonne et défile sous l’œil atone du contrôleur. Un coup de cloche, les passerelles se relèvent, et le bateau, tournant sur lui-même, s’éloigne, porté par le courant rapide. Les bras tendus par de lourds paquets, quelques retardataires, haletants et navrés, paraissent sous le viaduc, pendant que d’un pas automatique, le policier retourne à l’ombre pour une autre demi-heure.

Au sortir de la fournaise urbaine, le passager aspire délicieusement la bouffée d’air pur venue du sud, tout en laissant l’œil courir en liberté au long des lignes douces du paysage. Là-bas, vers l’est, la courbe gracieuse des deux rives étreint toute une troupe d’îles basses et verdoyantes qui s’estompent légèrement dans le