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LA CHANSON DE LA NEIGE

les allées du jardin, charge sur son poteau le chalet des hirondelles, pénètre sous l’abri des berceaux. Sur la place publique elle remplit la vasque de l’abreuvoir et la conque des tritons ; aux grands hommes de bronze, nu-tête dans la gloire, elle ajuste des perruques à marteau.

Elle fait aimer le feu de l’âtre, la neige qui tombe, muette et blanche, sur nos maisons !…


II


La neige tombe, muette et blanche, la neige
tombe sur nos grands bois !


La neige vole, et court, et tourbillonne dans le silence au-dessus des millions de bras ligneux, tendus immobiles vers le ciel gris. Elle glisse sur l’écorce argentée des érables, caresse la peau vivante des hêtres, s’accroche aux flancs loqueteux des noyers tendres. Elle déroule des cordons blancs tout le long des rameaux, corrige les angles des aisselles, enfarine les aigrettes des pins et la grappe écarlate du « bourreau des arbres », s’insinue dans la spirale des feuilles sèches cramponnées dans la mort à la branche nourricière. La neige comble dans les aulnaies les petits chemins des lièvres, envahit le ravage de l’orignal, scelle dans son terrier la marmotte endormie. La neige précède dans le sentier le chasseur soli-