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CROQUIS LAURENTIENS

rurent de convulsions de terreur. Les mères défendaient aux enfants de regarder le rocher maudit et les grandes personnes se signaient à son aspect. Le saint Curé, lui, paraissait seul ne pas savoir le fait, ni s’en émouvoir ; mais dans son intention, il suppliait le ciel qu’un si exemplaire châtiment vint enraciner au fond des cœurs la répulsion et la haine du vice ignominieux.

« Cependant, un jour, un groupe consterné accourut le conjurer de rendre la paix au village, en adjurant le diable de livrer sa victime et de retourner à son éternel supplice. Un instant le pasteur se recueille, lève au ciel des yeux calmes qui s’emplissent de larmes ; puis joignant ses mains longues et décharnées : « J’y vais, mes enfants, dit-il ; mais vous, priez, priez encore, priez toujours ! » À ces mots il s’embarqua sur les vagues houleuses, guidant lui-même son esquif.

« Les paroissiens échelonnés en longue file sur la rive, le front dans le sable, récitaient avec ferveur les psaumes de la pénitence. En voyant approcher d’elle la barque, la malheureuse se prit à se tordre sur le roc, poussant des hurlements à faire peur et pitié à la fois. Le prêtre cependant avait laissé l’embarcation et, pieds nus, lentement gravissait le rocher, lorsque soudain il se voit en face du hideux personnage, à