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LA POINTE-DES-MONTS

Le même soleil créateur rappelle, des anses où ils ont passé la nuit, les groupes de goélands. Ils planent en tournoyant sur l’eau bleue et, ainsi suspendus dans l’air immobile, laissent voir leur bec camus et leur corps fuselé. Ils ne sont pas beaux ainsi, rappelant par trop les naïves colombes de bois qui jouent gravement le rôle du Saint-Esprit, au-dessus de nos chaires de campagne ! Mais regardez-les aborder à la crête d’une vague, les ailes tendues et le corps en avant. Ils ont, pour prendre leur équilibre et replier leurs ailes, un mouvement d’une élégance suprême qui défie la pauvreté des mots !

Les sept ou huit maisonnettes blotties autour du phare ne s’endorment pas comme lui au lever du soleil ; elles rient à la lumière renaissante, d’un rire plein de chaux. On ne voit personne, mais dans les entrailles de pierre, derrière les fenêtres closes, il y a sûrement des êtres vivants pour qui se déploie tout cet immense paysage : un allumeur, quelques pêcheurs, quelques femmes au cœur simple dont toute l’affaire est d’aimer ; quelques enfants, dont les âmes se modèlent à jamais, entre l’affection maternelle et la sévérité de l’habitat. Pour eux, la musique de l’eau sur le granit et la symphonie aiguë des chœurs de goélands ! Pour eux, et pour eux seuls, la ligne infinie des rochers, l’éternelle succession des vagues bleues et des arbres sombres qui