Page:Marie-Victorin - Récits laurentiens, 1919.djvu/105

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duite, j’éclatai en sanglots. Il m’apparut alors très nettement que Charles n’était pas un fou, mais quelque chose d’autre que, toutefois, je ne démêlais pas très bien. Je comprends aujourd’hui que c’était un être déclassé par quelque malheur secret et en plus, un affamé de savoir, un rêveur incorrigible égaré au milieu de simples gens tout occupés à vivre, eux et leurs enfants, incapables de le comprendre parce que totalement indifférents à la poussière du passé et aux fantasmagories de l’avenir.

Je demandai pardon à Charles, nous fîmes la paix sur l’appui de la fenêtre, sous l’œil des hirondelles, et, de ce temps, nous fûmes amis.

Quelques années passèrent. Je revins à Saint-Norbert, prestigieux et grandi. Je n’étais plus l’enfant d’autrefois et, moi aussi, hélas ! j’avais des livres au fond de ma malle !

Te souviens-tu, ma sœur ! de nos arrivées à la vieille maison du grand-père ? On ne nous plaisantait plus ! Tu étais une demoiselle ! Moi ! je n’osais pas me mettre nu-pieds comme naguère